Psychologie & Théories

Le Pouvoir du Cerveau, l’Intelligence des Emotions

Le cerveau est-il un organe statique, formé uniquement par notre ADN ? Nos émotions peuvent-elles avoir une influence sur notre cerveau et si oui, de quelle manière ? Ou au contraire, nos émotions sont-elles indépendantes, sans influence aucune sur le fonctionnement du cerveau ?

Tout au long du XXe s., les scientifiques se sont unanimement accordés sur le fait que le cerveau n’était formé que par nos gênes. Ces derniers auraient donc un vrai monopole sur le développement et le fonctionnement du cerveau. Il serait donc facile d’en conclure que l’intelligence est par là-même héréditaire, que les variantes dans les résultats des tests de Q.I. sont liées aux différences génétiques uniquement.

Connaissez-vous le terme ‘neuroplasticité’ ? Quelques scientifiques avaient bien tenté de développer cette théorie au cours du siècle dernier mais leur voix n’avait pu se faire entendre dû à un fort dogmatisme académique à l’époque. L’académie des sciences, tout pays confondu, était alors convaincue que le cerveau était un organe statique, à l’exception de la phase de développement. Nos capacités étaient donc innées, comme un potentiel ancré en nous depuis la naissance que nous ne pouvions utiliser que jusqu’à une limite préconfigurée. Le neuroscientifique polonais Jerzy Konorski fut le premier à utiliser le nom de ‘neuroplasticité’ en 1948. Ce ne fut qu’à la fin du XXe siècle que les scientifiques furent enfin prêts à débattre sur cette nouvelle théorie, la plasticité du cerveau.

La plasticité du cerveau

La neuroplasticité signifie que le cerveau est malléable, qu’il nous offre d’infinies possibilités lorsque ce dernier est stimulé, lorsqu’il est travaillé quotidiennement comme nous le ferions avec nos muscles. Et nous voici finalement face à une théorie qui nous fait passer d’un cerveau statique aux capacités limitées dès la naissance à un cerveau flexible tout au long de notre vie !

Mais comment ? Grâce à Eric Kandel, lauréat du prix Nobel de physiologie-médecine en 2000 pour son oeuvre sur la neurophysiologie (étude du fonctionnement du système nerveux). Né en Autriche, Eric Kandel a dû fuir le régime nazi pour partir s’installer à New-York en 1939. Il fut tout d’abord fasciné par la psychanalyse et le travail sur la mémoire, puis s’est ensuite tourné vers les ‘sciences dures’. Il fut le tout premier à offrir une définition d’une nouvelle notion selon laquelle l’expression génique pouvait être positivement ou négativement influencée par les expériences sociales, l’environnement de soutien, le stress, l’anxiété et toute forme d’interactions. C’est l’expression génique qui permet aux cellules de répondre aux changements de l’environnement.

Des années de recherches méticuleuses soutiennent cette thèse et viennent à prouver l’impact significatif que les facteurs émotionnels, sociaux et psychologiques ont sur le cerveau. Par conséquent, la bonne nouvelle est que personne n’est limitée par son ADN ! Et encore plus intéressant, chacune de nos expériences qui amène nécessairement tout un panel d’émotions (plaisir, joie, douleur, traumatisme, curiosité, etc) reforme le cerveau de chacun d’entre nous. Le cerveau ne cesse d’apprendre, d’améliorer ses capacités et est même capable de guérir ses blessures.

Cette découverte est cruciale notamment dans le domaine de la psychologie et psychiatrie. Il est dorénavant possible d’aborder les maladies mentales sous un angle tout autre. Kandel a précisé en 1998 que si la psychothérapie était efficace et produisait des changements de comportement à long-terme, c’était très certainement le cas grâce à un apprentissage, par le biais de changements dans l’expression génique qui modifient la force des connections synaptiques et de changements structurels qui modifient le schéma anatomique des cellules nerveuses du cerveau.

L’intelligence des émotions

Nous savons maintenant que les émotions ont un impact sur le cerveau en raison de sa plasticité. Mais sont-elles distinctes du cerveau comme deux ‘mécanismes’ qui s’influenceraient mais agiraient de manière séparée ?

Nos émotions sont en pleine action à chaque fois que nous interagissons, visitons un musée, allons au cinéma, nous nous adaptons à une nouvelle culture, pays, organisation, toute nouvelle expérience. Nous apprenons à affronter les épreuves et à apprécier les bons moments. Chaque événement de la vie nous forme, nous offre de nouvelles perspectives qui nous permettent de mieux nous connaître et d’améliorer notre compréhension du monde. Tout cela montre que les émotions sont intelligentes car elles savent s’adapter et évoluent. Si les émotions sont alors intelligentes, elles participent au développement du cerveau. Par conséquent, le cerveau grâce à sa plasticité et les émotions grâce à leur intelligence sont de toute évidence entremélés.

Eric Kandel est la preuve vivante de leur dépendance. Dans son livre, A la recherche de la mémoire : une nouvelle théorie de l’esprit, il décrit sa propre histoire, ses traumatismes, ses recherches. Il montre que tout épisode violent au cours de notre vie a un profond impact sur la neuroplasticité du cerveau ce qui en modifie sa morphologie et son fonctionnement.

Il est donc sage d’en conclure que la neuroplasticité ainsi que les émotions ont toutes deux des conséquences significatives sur la personnalité d’un individu. Elles peuvent toutes deux se modifier, s’adapter, être meurtries, blessées tout au long de la vie d’un individu. Cela représente un immense espoir pour toute personne souffrant de lésions cérébrales, de maladie mentale ou de difficultés d’apprentissage. Notre ADN ne nous condamne pas.


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